Quand l’union fait la force ; direction la sauvegarde de la biodiversité

Publié par Jessy Carlier, le 4 avril 2022   680

Tout a commencé par la création d’un programme de sciences participatives…

Cela fait maintenant trente ans que le Muséum national d’histoire naturelle porte le programme Vigie Nature. Vous êtes amateur de naturalisme ? Vous voulez agir pour le bien de la nature ? Et bien ce programme est fait pour vous ! Il va se baser sur les sciences partitives, en fait il permet à différents publics, des amateurs en naturalisme comme vous, afin de contribuer à la recherche en collectant des données sur la faune et la flore. Suite à ça, L’UNESCO a publié une revue qui met en évidence les multiples bienfaits dus à la participation à des programmes de sciences participatives, ces programmes comprennent des apprentissages théoriques et aussi des assimilations au processus scientifique de plus ils permettent de modifier la perception de l’environnement qu’ont les participants avec un processus d’éducation de l’attention. À travers le temps, les objectifs portés par Vigie-Nature ont subi plusieurs changements avec l’ouverture progressive à de nouveaux publics ce qui a mené à l’intégration de nouvelles parties, telles que les réseaux naturalistes, les associations partenaires ou les relais locaux.

Pourquoi ce programme à vue le jour ? Quel est son objectif ?

Le programme Vigie-Nature a été mis en place suite à la prise de conscience des menaces qui pèsent sur l’environnement, comme par exemple la baisse de la biodiversité, ce qui a mené à la mise en place de nombreux projets collectifs sur l’acquisition de connaissances par des associations naturalistes ou encore par les territoires. La mise en œuvre de suivis participatifs va quant à elle s’appuyer sur un protocole de collecte de données ce qui permet la standardisation de l’information ainsi que la répétition des relevés (dans le temps et l’espace), ce qui permet alors d’obtenir les informations manquantes.   

Ce genre de procédé n’est pas nouveau ! Le Muséum a déjà mis en place un programme de sciences participatives auparavant, en effet en 1923, il y a eu la création d’un réseau des participants appelés « bagueurs ». Les avantages de ce programme vont bien entendus dans les deux sens: le CRBPO (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) centralise les données et distribuent aux bénévoles les autorisations nécessaires à la capture et à la manipulation d’espèces protégées afin qu’ils puissent mener leurs activités sans encombre. Les données collectées sont ensuite utilisées par de nombreux chercheurs au sein du Muséum mais également par d’autres organismes de recherche. C’est à partir des années 2000 que des programmes reprennent le modèle de la collecte de données, mais cette fois-ci avec d’autres groupes taxonomiques (=Unité systématique d'une taxinomie (genre, famille, groupe, ordre etc)) en ayant un protocole adapté et proposé aux réseaux de naturalistes amateurs.

Ces différents observatoires se regroupent sous une même bannière : c’est le programme de sciences participatives Vigie-Nature. En règle générale, les programmes de sciences participatives sont des outils de recherche performants, ils répondent à deux préoccupations : l’acquisition de connaissances et l’aide à la décision pour les politiques avec la constitution d’indicateurs. Avec les évolutions technologiques et sociétales, il y a eu une ouverture du programme aux publics non experts.

 

Comment le programme a évolué ?

Plusieurs facteurs ont été favorables à l’amélioration du programme de sciences participatives.  Le développement des outils numériques a été bénéfique, ils facilitent la circulation et le stockage de l’information de plus les photos numériques sont des preuves d’une observation. En 2007, 43 % des Européens ont estimé que la perte de biodiversité est un sérieux problème à l’échelle de leur pays. Le contexte est favorable à la naissance du premier observatoire de suivi de la biodiversité à destination d’un public non expert :  “l’Opération Papillons.” 

Cet observatoire repose sur une application de type jeu qui utilise le tactile des téléphones et des tablettes, cela permet d’alléger le coût « mental » de la réalisation du protocole par la sauvegarde automatique des données. L’observateur est libre de transmettre ou non ses observations aux chercheurs. Les observatoires reposent sur un partenariat entre le Muséum et les associations partenaires mais également sur un partenariat entre chercheurs et observateurs amateurs. Les participants au programme sont motivés sur le plan individuel par l’acquisition de connaissances et par la pratique d’activité extérieure, mais pas seulement la motivation se fait également sur le plan collectif par la contribution à la recherche scientifique et à la sauvegarde de la biodiversité. Le but final de ces différents partenariats :  la conservation de la biodiversité.

Bien que l’ouverture à la recherche soit ouverte à un public non-expert, ce modèle constitue toutefois un sujet de débat. En effet, de la méfiance ressort de la part de certains scientifiques et experts de la biodiversité. Cependant, les observatoires amateurs ont gagné en crédibilité et ont démontré leur potentiel comme outil de recherche. De plus, plus les observateurs participent aux recherches, plus leurs connaissances naturalistes s’améliorent. 94 % des répondants à une enquête sur ces observatoires ont estimé que leurs connaissances avaient progressé en participant aux recherches.

L’adaptation du programme au public scolaire :

En comprenant le potentiel éducatif du programme, Vigie-Nature s’est ouvert au monde scolaire. Le basculement vers des enjeux éducatifs s’est fait progressivement, c’est ainsi que le processus de création  de Vigie-Nature École (VNE) commença, en créant de nouveaux observatoires. C’est ainsi que l’institution scolaire fit connaître Vigie-Nature aux enseignants de SVT. Le programme VNE propose aux enseignants de réaliser avec leurs élèves des suivis de la biodiversité.

Ainsi, ce n’est plus seulement les amateurs de naturalistes qui peuvent aider les scientifiques, même les plus jeunes peuvent contribuer à la sauvegarde de la biodiversité, et puis, plus on est de fous plus on rit, l’observation des plus jeunes ne peut être que bénéfique. 

À ce jour, le VNE propose huit observatoires, qui sont accessibles de la maternelle au lycée, permettant d’étudier des groupes taxonomiques variés à l’échelle de la France métropolitaine. L’enseignant qui est volontaire choisit les protocoles qu’il souhaite mettre en place avec ses élèves selon ses objectifs pédagogiques et les possibilités offertes par les espaces verts de son établissement scolaire. L’enseignant joue donc un rôle de médiateur de la participation : les observateurs visés par le programme étant plutôt ses élèves. De plus, le site Internet de VNE propose un accompagnement à la participation et également une aide en ligne. Il est notamment conseillé aux enseignants de préparer leurs élèves avant d’aller sur le terrain.

Le Muséum garde le contrôle du développement et de l’orientation de VNE et s’appuie sur les acteurs de l’Éducation nationale pour le déploiement de l’observatoire. Cette collaboration est une réussite puisque les inspecteurs généraux ont aujourd’hui une bonne visibilité des possibilités pédagogiques qu’offre VNE. Des recherches en didactique des sciences montrent que les enseignants associent à ce dispositif de nombreux objectifs cohérents avec ces énoncés : par exemple, enseigner la biodiversité et ses enjeux par une expérimentation concrète de terrain, sensibiliser les élèves à la démarche scientifique et ses différentes étapes, donner le goût des sciences et l’envie de contribuer à la recherche scientifique. Cette démarche contribue à recréer du lien entre les élèves et leur environnement direct.

Cependant, les données récoltées présentent des biais particuliers comme une contrainte forte du site d’observation, changement des observateurs chaque année, et n’ont pas encore abouti à des publications. De plus, un développement de l’accompagnement pédagogique a été privilégié plutôt que l’investissement dans un système permettant de faire communiquer les bases de données scolaires avec celles des observatoires de Vigie-Nature dont ils sont adaptés.

Conclusion

L’expérience du Muséum de Paris occupe une place très importante pour porter des projets de sciences participatives. Ce n’est qu’en 2016 que les universités européennes ont fait le lien entre la science et la société au travers des sciences participatives. L’évolution de Vigie - Nature, avec la mise en place des différents programmes de sciences participatives, montre la complexité de la gestion des multiples partenariats de ces dispositifs. Les objectifs existants dans le programme Vigie-Nature se dirigent vers une visée commune en y contribuant de différentes façons. Il s’agit de répondre à un besoin historique, mais toujours actuel, de connaissances sur l’état de santé de la biodiversité, tout en stimulant l’intérêt pour celle-ci et l’engagement pour sa conservation par les acteurs de la société civile et du milieu scolaire. Pour conclure, il en ressort que les différents objectifs ne portent pas préjudice aux ambitions originelles du programme Vigie-Nature, dès lors qu’ils suivent un objectif commun ; la conservation de la biodiversité.

Cet article a été rédigé par Jessy Carlier, étudiante en master Éducation à la Santé et au Développement Durable - Interroger et Intervenir (ESDD : 2i) de l'INSPE d'Amiens." 

« Du naturaliste expert à l’élève : Enjeux de la diversification des objectifs d’un programme de sciences participatives en France » Pauline Conversy, Anne Dozières et Sébastien Turpin (2019). https://doi.org/10.4000/ere.4440

Titre : Résumé du partenariat entre amateurs et experts en naturalisme pour la sauvegarde de la biodiversité (Par Carlier Jessy)

 

* Photographie provenant de Canva