Sport et risque de blessure : la génétique joue aussi un rôle
Publié par Fête de la science en Hauts-de-France, le 21 novembre 2023 1k
Les sports de contacts sont plus susceptibles d’entraîner des blessures. Alexander Fox | PlaNet Fox / Pixabay
Il ne fait plus de doute que la pratique d’une activité physique ou sportive est un facteur essentiel de bonne santé, qu’elle soit physique, psychologique et sociale. Cependant, que l’on soit sportif amateur ou sportif professionnel, pratiquer un sport peut exposer à un risque de blessure.
Ce risque dépend de divers paramètres, parmi lesquels la discipline pratiquée. Si le nombre de blessures pour 1000 heures de pratique est relativement faible en bodybuilding (de 0,24 à 1), l’incidence des problèmes est plus importante dans des sports collectifs : 8,1 en football, 9,1 en hockey sur glace ou 12,6 en rugby.
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Certes, le nombre de blessures est plus important dans les sports d’opposition en raison des contacts entre les sportifs. Mais si l’on considère les blessures non liées à un contact, autrement dit lorsque l’athlète se blesse tout seul, la charge de travail semble être un facteur central dans l’apparition des blessures.
Mais face à une même charge de travail, tous les athlètes ne sont pas égaux. La génétique, en particulier, joue un rôle dans les différences observées d’un individu à l’autre. Explications
Qu’est-ce que la charge de travail ?
La charge de travail se caractérise par le volume, l’intensité et la fréquence des entraînements. L’augmentation de cette charge accroît le risque de blessure : il est par exemple multiplié par 6,2 lorsque les footballeurs jouent deux matchs par semaine comparativement à un seul.
Afin de réduire les risques de blessure, les entraîneurs contrôlent attentivement la charge d’entraînement, qui se caractérise par la charge dite « externe » et la charge dite « interne ». La charge externe correspond à la quantité de travail effectuée par l’athlète tandis que la charge interne reflète les réponses internes induites par la charge externe. Une même charge de travail externe, appliquée à des athlètes différents, engendrera des réponses internes différentes.
Cette variabilité interindividuelle, en réponse à une même charge externe, rend difficile la programmation adéquate des charges d’entraînement. Une meilleure connaissance des facteurs individuels permettrait de mieux programmer les charges d’entraînement et ainsi limiter le risque des blessures.
Outre la charge d’entraînement, différents paramètres semblent impliqués dans cette variabilité interindividuelle : l’âge, le sexe, des facteurs psychologiques, le potentiel de récupération, la capacité d’entraînement ou encore la génétique.
L’importance de la génétique
Les protéines qui constituent notre corps et participent à notre physiologie sont produites grâce aux informations contenues dans nos gènes. Or, d’une personne à l’autre, un même gène peut être légèrement différent, présentant de subtiles variations dans sa séquence. Selon la localisation de ces variations, la quantité de protéines produites, voire leur fonctionnement, peut être plus ou moins modifié.
Ces modifications peuvent avoir des répercussions sur la sensibilité des individus aux blessures. Bien que les recherches appliquées aux dommages musculaires en soient à leurs balbutiements, des travaux ont montré que certaines variations génétiques participent à expliquer la variabilité des dommages musculaires observés suite à un exercice musculaire. (Yamin et coll. 2008 ; Pimenta et coll. 2012 ; Baumert et coll. 2016).
Il a notamment été montré que, suite à un exercice inducteur de dommages musculaires, les personnes possédant certaines variations génétiques subissent des dommages plus importants et doivent observer des durées de récupération plus longues. C’est, par exemple, le cas du gène codant pour ACE (enzyme de conversion de l’angiotensine I).
Le gène de l’angiotensine existe sous deux formes (on parle d’« allèle ») : l’allèle I, ou l’allèle D. Étant donné que, chez les espèces qui se reproduisent sexuellement, comme l’être humain, chaque gène existe en deux copies (l’une héritée de la mère, l’autre du père), un sportif peut donc posséder diverses combinaisons d’allèles selon son héritage :
- ACE II, si les deux allèles du gène ACE sont I ;
- ACE ID, si un allèle de chaque sorte est présent ;
- ACE DD, si les deux allèles sont D.
Or, des travaux ont montré que les individus présentant un ou plusieurs allèle I du gène de l’angiotensine, donc les personnes de profils génétiques ACE II ou ACE ID, présentent une susceptibilité aux dommages musculaires accrue, comparativement aux individus possédant le génotype ACE DD, qui est dépourvu de l’allèle I. Le génotype ACE DD confère donc une protection contre les dommages musculaires. Il faut toutefois souligner que le fait d’être protégé ne signifie pas que l’athlète ne pourra pas se blesser, mais seulement que le risque de blessure est moindre.
Notre génome est composé d’environ 21 000 gènes différents, dont chacun peuvent présenter de petites variations. Il est probable que la combinaison de nos gènes explique notre susceptibilité à la blessure. Ainsi, il a été démontré que la combinaison de certaines variations des gènes de COL5A1, IL1B et IL6 est associée à une augmentation du risque de blessure sur le ligament croisé antérieur dans une population d’hommes.
Il reste encore beaucoup d’inconnues dans ce domaine de recherche. Cependant, il envisageable, qu’à terme, chaque individu puisse être caractérisé par un score de susceptibilité aux dommages musculaires. Cette approche ne devra pas être utilisée comme un critère de sélection, mais plutôt comme un outil pour adapter au mieux l’entraînement des athlètes et permettre de maximiser leurs performances sportives, tout en limitant leur risque de blessure.
La place de la biologie
L’approche génétique dans le domaine du sport, bien qu’utilisée par de nombreux sportifs via des circuits parallèles, n’est pas légale en France. La stricte réglementation française vise à protéger la vie privée, à garantir la qualité des tests et à éviter les abus potentiels, tels que la sélection d’athlète possédant des gènes spécifiques.
Il faut cependant souligner que les réponses biologiques à un exercice reflètent le phénotype (l’ensemble des caractères observables, apparents, d’un individu : couleur des yeux, anatomie, etc.) plutôt que le génotype (l’ensemble des gènes). Le phénotype résulte de l’interaction entre l’environnement et les gènes.
Il arrive que certains gènes présents dans le génome ne s’expriment pas forcément. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un gène protecteur est présent dans le génome qu’il aura forcément des effets, ou les mêmes effets chez toutes les personnes qui le possèdent. Une analyse génétique pourrait mettre en évidence la présence d’un gène protecteur sans pour autant qu’il ait un effet pour protéger l’athlète des blessures.
Au-delà des marqueurs génétiques, d’autres approches permettent de renseigner sur le risque de blessure potentiel. C’est le cas de la biologie sanguine, qui consiste à analyser des molécules présentes dans le sang qui renseignent sur des processus biologiques donnés (aussi appelées « marqueurs biologiques »). En plein développement, cette approche pourrait apporter de nouveaux indices de suivi et d’individualisation de la charge d’entraînement.
Parmi elles, citons par exemple le cas de la mesure du taux sanguin de créatine kinase, un marqueur de dommages musculaires dont la concentration dans le sang augmente après des efforts de musculation ou d’endurance, avec une grande variabilité interindividuelle. Ce marqueur peut être considéré comme une aide à la décision et son utilisation se démocratise dans les clubs sportifs professionnels.
Un niveau élevé de créatine kinase est en effet l’indice d’un muscle fragilisé et/ou un signe de dommages musculaires. Sa détection peut inciter les entraîneurs à réduire la charge d’entraînement ou décider de ne pas faire jouer un athlète afin d’éviter une blessure musculaire.
Divers autres marqueurs biologiques reflétant la sensibilité aux dommages musculaires existent également, tels que la myoglobine ou certains marqueurs de la réponse inflammatoire comme l’interleukine 6 ou la protéine C réactive. De futurs travaux permettront probablement d’en identifier d’autres.
Afin d’exploiter au mieux l’apport de la biologie, il sera toutefois nécessaire de bien appréhender et comprendre les variations des différents paramètres mesurés afin de sélectionner les paramètres idoines et de les utiliser à bon escient. Mais quoi qu’il en soit, la biologie du sportif a probablement un bel avenir devant elle pour aider les entraîneurs à mieux préparer leurs athlètes tout en en réduisant le risque de blessure !
Frédéric N. Daussin Professeur d'Université en STAPS, Université de Lille
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.