Recherche et innovation au CHRU de Lille, la cryothérapie
Publié par Pascale Bauge, le 17 novembre 2018 2.6k
A l’occasion de la fête de la Science (du 6 au 14 octobre 2018), le Centre Hospitalier Universitaire de Lille ouvrait ses portes au grand public. Une belle occasion de découvrir des projets de recherche et d’innovation. Voici les grandes lignes de l’un d’eux : les thérapies focales pour le traitement de cancers.
La présentation est donnée au sein du service de radiologie et imagerie urologique de l’Hôpital Claude Huriez à Lille par le professeur Philippe Puech qui dirige ce service.
A l’heure actuelle, la détection
de tumeurs par imagerie permet de les repérer -souvent de façon fortuite- alors
qu’elles sont encore de taille relativement réduite. Cela offre la possibilité
de mettre en place des soins curatifs de façon précoce et d’augmenter la
probabilité d’obtenir une parfaite guérison. Si on pouvait en plus, développer
des traitements peu invasifs, minimalistes assurant un meilleur confort au
patient, ce serait idéal !
Le Pr Puech nous présente l’état des recherches qu’il mène avec son équipe sur les thérapies focales qui peuvent s’appliquer au rein, la prostate, le cerveau, le sein : la cryothérapie et la radiofréquence.
La cryothérapie est une technique innovante : elle permet de détruire des cellules cancéreuses en provoquant leur congélation par le biais d’aiguilles refroidies à -180°C judicieusement placées au sein de petites tumeurs. L’aiguille génère in situ une « boule de glace » et déclenche la nécrose cellulaire.
Plusieurs sondes sont introduites : certaines permettent le repérage, d’autres le contrôle de la température, et enfin les sondes à glace.
Comment produire une boule de glace à une température si basse ?
L’aiguille utilisée est parcourue intérieurement par du gaz argon stocké à la pression de 300 bar. Lorsqu’il est introduit dans la sonde, le gaz se détend (chute de la pression) : il en résulte une forte diminution de la température et ce, jusqu’à -180 °C ; c’est le phénomène de détente de Joule-Thompson, qui caractérise la détente adiabatique d’un gaz réel (les molécules d’un tel gaz interagissent les unes avec les autres et perdent en vitesse lorsqu’elles se retrouvent dans un plus grand volume).
Le réchauffement de la sonde au moment du retrait est obligatoire. C’est grâce à l’hélium que le réchauffement peut se faire (la détente de l’hélium, caractérisé par de petits atomes avec de faibles interactions entre eux, conduit contrairement aux autres gaz, à une augmentation de température lorsqu’il se détend).
Comment sont détruites les tumeurs ? Et quelles précautions prendre ?
Au contact du froid, les cellules se nécrosent et les vaisseaux sanguins environnants sont également touchés lors du cycle de congélation-décongélation.
Il est important de protéger des organes situés trop proches de la lésion à traiter. Dans ce cas, il faut prendre les précautions qui s’imposent
A qui sont destinées ces approches thérapeutiques ?
Certains patients ne supportent une intervention chirurgicale, par exemple les patients âgés de plus de 70 ans : la thérapie focale peut alors apporter une solution. Mais il faut que la taille de la tumeur soit modeste (inférieure à 4 cm).
Ainsi, dans le service de Dr Puech, ce sont environ 55 patients, touchés par des tumeurs au rein, qui ont pu être traités par cryothérapie et sauvés. Ce type de cancer (3e cancer chez l’homme avec 40.000 nouveaux cas/ an en Europe) se prête bien à la technique : la croissance tumorale est généralement lente, et il y a peu de métastases. De plus, la technique présente l’avantage de pouvoir préserver la fonction rénale.
Le Pr Puech nous dit aussi quelques mots sur l’autre type de thérapie focale : la radiofréquence. Il s’agit dans cette approche de détruire une tumeur par la chaleur provoquée par une lumière laser. Cette approche innovante fait l’objet de plusieurs études cliniques, dont « SENO-LITT » centré sur le traitement de petites tumeurs du sein (moins de 1 cm) qui nécessitent malgré tout, actuellement, une chirurgie. Une fibre laser guidée par l’imagerie pourrait permettre de nécroser la tumeur. Pour l’instant, le projet porté par l’UMR ONCO-THAI (Inserm, CHRU et Université de Lille) cherche à définir le meilleur protocole et les effets sur les tissus environnants
La salle où se déroulent les interventions en cryothérapie est également ouverte aux visiteurs.
Le Dr Puech a fait passer des messages forts :
– ces innovations sont coûteuses et ces essais font l’objet d’un financement spécifique alloué par le CHU, mais les résultats sont au rendez-vous.
– il insiste sur la surveillance préventive en vue d’un dépistage précoce (autopalpation dans le cas du cancer du sein, consultation si du sang est présent dans les urines…).