Qu’est-ce que la CSTI et qui sont les acteurs en Hauts-de-France ? Portrait #1 Sébastien Farin, INERIS
Publié par Ombelliscience -, le 8 juin 2017 2.5k
Terme fréquemment utilisé dans le jargon professionnel des sciences et techniques, la Culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) ne parle pas toujours au grand public. Que signifie-t-il ? Quels sont les acteurs et structures participant au développement de cette culture scientifique ?
Ombelliscience est partie à la rencontre de ces personnes, qui contribuent, chacune à leur manière, au partage des savoirs dans les domaines scientifiques et techniques en Hauts-de-France.
Premier d’une série de portraits, Sébastien Farin - qui travaille pour l’Institut national de l'environnement industriel et
des risques
(INERIS) - nous
parle de son métier, de la structure pour laquelle il travaille et nous donne son
regard sur la culture scientifique en général, et plus spécifiquement sur
Echosciences.
Ombelliscience : Pouvez-vous vous
présenter ?
Sébastien Farin : Je suis le directeur de la communication de
l’INERIS qui est un établissement public qui s’occupe de l’évaluation des risques
- hors risques nucléaires - que les activités économiques font peser sur
l’homme et l’environnement.
L’INERIS a été créé en 1990 à la suite
de la fusion de deux établissements : le centre de recherches des
Charbonnages de France (CERCHAR), axé sur la question des mines, et l'IRCHA qui
travaillait autour des questions chimiques. L'INERIS évalue les risques pour
mieux les prévenir et mieux les maîtriser. C’est un établissement public à
caractère industriel et commercial (EPIC), nous travaillons donc avec
différents types de structures (publiques et privées).
Une part de notre activité est
consacrée à la recherche. Nous réalisons aussi des études, soit pour le compte du
Ministère (1) quand il s'agit d'un appui technique,
soit dans le cadre de prestations commerciales pour répondre aux sollicitations
d’industriels ou de bureaux d’études.
« L'INERIS s'occupe d’évaluer les
risques industriels pour que la sécurité des populations concernées soit
assurée. […] Il inscrit ses activités dans les grandes thématiques du
moment : transition énergétique, économie circulaire, perturbateurs
endocriniens… »
Omb : L’INERIS travaille sur
les risques que l’activité humaine fait peser sur l’homme et l’environnement.
Pour mener à bien cette mission, de quelle manière les activités de l’institut
s’articulent ?
SF : L’activité de l'INERIS s’inscrit dans le cadre d’un contrat d'objectif
et de performance signé avec l'État. Il fixe les objectifs de l'institut pour
une période de 4 ans. Ces objectifs répondent bien entendu aux grandes
thématiques d’actualité, comme la transition énergétique, l'économie circulaire…
Par exemple, en lien avec la transition énergétique, l’INERIS travaille sur la
sécurité des batteries des véhicules électriques et sur des problématiques
autour de l'hydrogène. Plus globalement, les 550 salariés de l'INERIS
travaillent à travers 3 grandes familles d'activités :
- les risques
dits « chroniques »
. Il s’agit de toutes les activités liées à
l’impact des pollutions sur l'environnement et la santé ;
- les risques dits « technologiques ». Les industries sont à
l’origine de risques d’accident, comme l’explosion de l’usine AZF (2), que nous contribuons à réduire et à limiter, par
exemple en définissant des zones de protection autour des installations
industrielles sensibles qu'on appelle les « sites SEVESO » ;
- les risques liés au sol et au sous-sol. L’Institut propose une analyse
intégrée des risques, qui couvre les mines et
carrières en activité, l'après-mine, les risques naturels de type
mouvements de terrain, la gestion des stockages géologiques.
Omb : En quoi consistent vos
missions de communication au sein de l’INERIS ?
SF : La mission de la direction de la communication de l’INERIS est
plurielle, comme toutes les directions de la communication. Elle porte d’abord
sur la communication externe, qui vise à communiquer sur nos activités. Compte
tenu de leur nature, nos « clients » sont plutôt les décideurs
politiques, les industriels et les relais comme la presse ou les ONG. Notre
mission est aussi interne, puisque que l’équipe de communication a aussi la
charge de permettre l’information des collaborateurs de l’institut, que ce soit
sur son actualité ou la vie de l’entreprise. Il y a enfin un dernier volet qui
est une action importante pour l’INERIS et qui me tient particulièrement à
cœur, c’est l’ouverture à la société : vu les sujets traités par
l’Institut (par exemple : nanotechnologies, perturbateurs endocriniens,
risques du sol, du sous-sol...) et son statut, il est nécessaire de favoriser
les échanges entre nos experts et les parties prenantes. Ainsi, nos études et
nos recherches sont plus en adéquation avec les attentes ou besoins exprimés
par la société. Concrètement, cela se traduit par des réunions thématiques avec
ces parties prenantes et des échanges réguliers avec la Commission
d’orientation de la recherche et de l’expertise (Core). La Core est une
instance de gouvernance mise en place en 2011 aux côtés de notre Conseil
scientifique. L'idée est de rassembler les gens autour de la table, de discuter
et de partager des informations. Il s’agit de donner à connaître ce que l'on
fait mais en même temps d’écouter ce que les parties prenantes nous font
remonter comme informations.
Omb : Que signifient ici les
termes « parties prenantes » ?
SF : La Core est constituée sur le principe du Grenelle de
l’environnement (3). Elle regroupe ainsi des
représentants d’ONG, d’organisations professionnelles, de syndicats, d’élus et
de représentants de l’État. L’idée est de travailler en amont ou pendant nos
réalisations, pour avoir un retour de ces représentants sur les sujets sur
lesquels on travaille. Le but est de faire en sorte que nos activités ne se
limitent pas aux seuls besoins scientifiques ou techniques, et ne soient pas
déconnectées des réalités sociales. Sur des sujets comme ceux que gère l’INERIS,
les questionnements peuvent aussi être éthiques ou sociétaux. C’est ce regard
que nous apporte les membres de la Core.
« Un ensemble d’actions conduit par
l’INERIS traduit sa volonté d’être en interaction avec la société. Pour cela,
il met en place depuis de nombreuses années des échanges réguliers avec les
parties prenantes : […] ONG, syndicats, fédérations… »
Omb : Avant d’être à l’INERIS,
quel fut votre parcours ?
SF : J'ai d’abord suivi des études scientifiques, puis j'ai eu l’opportunité
de devenir médiateur scientifique au Palais de la découverte, au département
astronomie/astrophysique. J’ai eu le privilège d’animer des centaines de
séances de planétarium, un moment qui marque autant le visiteur que son
guide ! Depuis, ma carrière professionnelle est focalisée sur la
communication ou l’information scientifique : après le Palais de la
découverte, j’ai été assistant éditorial à l'encyclopédie Universalis pour la
création de modules d'initiation, chargé de communication au Centre de Vulgarisation
de la Connaissance (4), puis j’ai rejoint l’Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs (ANDRA) où j'ai été en charge de la communication du projet
Cigéo, projet de stockage pour des déchets radioactifs. C’est dans ce cadre que
j’ai élargi mon domaine d’intervention à celui du dialogue avec la société.
Enfin, j’ai intégré l'INERIS en 2016.
« L'INERIS, en tant qu’établissement public, se doit de contribuer à la
diffusion de la culture scientifique et technique, en essayant de rendre
accessibles ses activités
au plus grand nombre, au-delà des publics avertis. »
Omb : L'INERIS joue un rôle dans
le domaine de la culture scientifique. Pour vous, qu'est-ce que la culture
scientifique et à quoi sert-elle ?
SF : Les sujets sur lesquels l'INERIS travaille sont souvent
complexes et en lien direct avec chacun d’entre nous et avec notre
environnement quotidien. Il me semble donc nécessaire de rendre accessible nos activités
au plus grand nombre, au moins pour permettre à chacun de mieux appréhender les
problématiques sur lesquelles nous travaillons. Tout le challenge est de savoir
expliquer ce que l’on fait clairement et sans se noyer dans des détails trop complexes.
C’est la mission de la direction de la communication où l’on trouve des
professionnels de la communication mais aussi des spécialistes de la
communication scientifique.
Omb : Que pensez-vous d’Echosciences
Hauts-de-France ?
SF : La science est quelque chose qui n'est pas toujours facile à
saisir… Les gens qui y viennent sont souvent des gens déjà sensibilisés, voire
qui travaillent dans ce domaine. L’intérêt d'Echosciences est de rassembler sur
un site unique toutes les actions conduites localement, celui qui n’est pas fan
de science peut s’y égarer… voire trouver un sujet qui l’interpelle et qui
éveille sa curiosité ! Parce qu’il est centré sur l’actualité locale, Echosciences
permet de créer une vraie proximité entre l'activité scientifique et le grand
public. Les Hauts-de-France regorgent d’initiatives, et tout le monde n’a pas
cela en tête. Cela peut aussi permettre de montrer que la question de la
culture scientifique peut se faire sous des formes très différentes. Finalement
quand on va à Nausicaa, nous n’avons pas forcément l'impression de faire de la
science, or c’est le cas : sensibilisation à la vie sous-marine, aux
différents écosystèmes sous-marins, aux connexions entre les écosystèmes
sous-marins et terrestres... On fait de la science même si on a l'impression
avant tout de faire une visite pour se distraire ou pour voir de belles choses.
De même avec les fablab, les imprimantes 3D…
Propos recueillis par A.F. et retranscrits par C.B.
(1) L’INERIS est placé sous la tutelle du
Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.
(2) Le 21 septembre 2001,
l’usine AZF située à Toulouse est détruite par l’explosion d’un stock de
nitrate d’ammonium. Bilan : 31 morts et 2500 blessés. La société
propriétaire de l’usine a été condamnée par la justice française.
(3) Le Grenelle de l’environnement est un
ensemble de réunions entre représentants de l’État, ONG, collectivités et
syndicats, qui se sont déroulées en 2007 afin de prendre des décisions sur des
questions environnementales majeures.
(4) Le Centre de Vulgarisation de la
Connaissance (CVC), situé à Orsay, est une unité mixte de recherche entre
l'université Paris Sud et le CNRS.