Prépublication scientifique et accès ouvert : une crédibilité discutée !

Publié par Olivier Pourret, le 17 septembre 2021   980

Pour relever les défis du siècle prochain – des pandémies au changement climatique, en passant par l'automatisation et les Big Data – la science doit être ouverte à tous. Les citoyens doivent disposer du même accès à l'information que les chercheurs, et les scientifiques doivent avoir accès à des référentiels de connaissances interconnectés et de haute qualité pour faire progresser notre compréhension du monde qui nous entoure et démocratiser le savoir.

Ce sont parmi les principes directeurs du mouvement de la science ouverte. La durabilité et l'inclusion sont essentielles à la science ouverte et peuvent être favorisées par des pratiques, des infrastructures et des modèles de financement partagés qui garantissent la participation équitable des scientifiques d'institutions et de pays moins favorisés à la poursuite du savoir et du progrès.

Nous devons garantir que les bénéfices de la science soient partagés entre les scientifiques et le grand public, sans restriction. Mais comment y parvenir ? Une partie de la réponse réside dans la construction de systèmes scientifiques nationaux capables de partager et d'améliorer une diversité de connaissances.

Accès ouvert

Depuis la fin des années 1980, les membres de la communauté scientifique ont plaidé en faveur d'un accès plus large du public à la recherche publiée, connue sous le nom d'accès ouvert (AO, open access en anglais). L'édition scientifique connaît actuellement une transformation majeure, le passage à l'AO marquant un changement majeur dans les modèles financiers des grands éditeurs, ouvrant la diversité dans les voies de publication et posant la question de l'éthique de l'édition. Il est extrêmement important de veiller à ce que les scientifiques et leurs universités n'aient pas à payer plus pour lire et écrire des articles qu'ils ne le font déjà.

Selon le répertoire des journaux en accès ouvert (DOAJ), environ 71% des revues en AO ne facturent pas de frais; cependant, la plupart des articles publiés en AO en sciences de la terre ont été publiés dans des revues le nécessitant. Les frais les plus élevés sont souvent ceux demandés par les grandes maisons d'édition commerciales, mais ces frais élevés ne sont généralement pas représentatifs de l'environnement universitaire plus large dans certains domaines de recherche, tels que la géochimie (ma spécialité scientifique).

Comment la pandémie a mis en lumière la pratique des prépublications scientifiques?

Avec la pandémie COVID-19, la communauté médicale et scientifique plus largement ainsi que le grand public a découvert l'existence des prépublications scientifiques (preprints en anglais).

Un article scientifique en prépublication correspond à la version initiale de l’article de recherche, avant soumission à une revue. Cette version précède l’évaluation par un comité de rédaction. Elle ne comprend ni les modifications que fera l’auteur après l’évaluation par les pairs, ni les corrections et la mise en page de l’éditeur.

Comme nous l’écrivons dans notre article, le système des prépublications a de nombreux avantages ; Il permet :

  • Le partage rapide des résultats de la recherche, en particulier pendant les épidémies (par exemple, COVID-19). L’évaluation par les pairs peut prendre de nombreux mois ;
  • Une plus grande visibilité et accessibilité (ils ne sont pas payants) ;
  • de partager divers types de résultats tels que des données, des codes de recherche ou des méthodes ;
  • une rétroaction supplémentaire et examen par les pairs plus large ;
  • de créer des précédents de recherche;
  • de faire l'objet de rapports internationaux, puis être améliorés (qualité globale, intégrité et reproductibilité des résultats de la recherche) et publiés ultérieurement ;
  • d’encourager les collaborations.

Ces dernières années, le rythme de diffusion des informations scientifiques s'est fortement accru. Dans ce contexte, la possibilité et la valeur du partage de manuscrits en ligne en libre accès sous leur forme prépublication s’est développé dans de nombreux domaines scientifiques. De plus en plus de plateformes se consacrent au partage gratuit de prépublications. Les prépublications existent depuis les années 1960. En 1990, Tim Berners-Lee a créé le World Wide Web pour aider les chercheurs à partager facilement leurs connaissances. Quelques mois plus tard, en août 1991, un réseau Web centralisé, arXiv (https://arxiv.org/, prononcé «är kīv», de la lettre grecque «chi»), a été créé. arXiv est sans doute la plateforme de prépublication la plus influente et soutient les domaines de la physique, des mathématiques et de l'informatique depuis plus de 30 ans. Ces cinq dernières années, les plates-formes de prépublication sont devenues populaires dans de nombreuses disciplines (par exemple, bioRxiv pour les sciences biologiques, ou EarthArXiv pour les sciences de la terre) en raison de la tendance croissante vers l’accès ouvert des publications scientifiques. Bien que les prépublications dans leur ensemble ne représentent encore qu'une petite proportion de l'édition scientifique (par exemple, 2% de la littérature biomédicale publiée chaque mois), une communauté forte et diversifiée expérimente cette pratique de prépublication dans bien plus de disciplines qu'auparavant .

Cependant, de nombreuses organisations n’adhèrent pas encore à ce modèle, comme nous avons pu le voir fin aout avec la décision du conseil australien de la recherche (ARC) de déclarer inéligibles un certain nombre de demandes de subventions dans deux programmes de recherche en raison de références à des prépublications.

Comme nous l’écrivons, les prépublications sont là pour rester. Elles aident non seulement à éliminer les barrières structurelles qui rendent la science et la connaissance moins accessibles à ceux qui financent la création de connaissances, les contribuables, mais elles rationalisent également le processus de publication. Cependant elles doivent être mieux considérées dans l’évaluation de la recherche.

Dans le contexte des objectifs de développement durable des Nations Unies, il y a des défis majeurs à relever dans le monde de la communication scientifique. Les prépublications jouent ainsi un rôle crucial dans la fabrication et la diffusion des résultats de la recherche. En France, il est possible de déposer ses prépublications sur l’archive ouverte nationale (HAL).