Les espèces exotiques envahissantes dans les Hauts-de-France
Publié par Marie Angot (Conservatoire D'espaces Naturels Des Hauts-De-France), le 22 juillet 2022 1.9k
Les espèces exotiques envahissantes sont considérées comme l’une des 5 causes majeures de la perte de la biodiversité à l’échelle mondiale. Ces espèces, introduites volontairement ou non par l’homme hors de leur aire de répartition naturelle, dégradent les écosystèmes et menacent la biodiversité indigène. Elles ont des impacts écologiques, sanitaires et économiques.
Espèce exotique envahissante ou espèce invasive ?
La sémantique est importante car elle génère de la confusion. Une espèce exotique envahissante est par définition une espèce invasive, cependant, une espèce invasive n’est pas systématiquement exotique – dans le même ordre de pensée, toute espèce exotique n’est pas forcément envahissante. Ainsi, il est essentiel d’exprimer l’origine de l’espèce et son statut d’indigénat – c’est-à-dire si l’espèce est autochtone ou si elle a été importée.
Le pissenlit peut par exemple être considéré dans certaines conditions comme une espèce invasive. Si la diminution de sa présence dans nos jardins est parfois recherchée, l’éradication de l’espèce du territoire n’est pas un objectif en soi car elle appartient à la biodiversité indigène. A l’inverse, l’éradication d’une espèce exotique envahissante sera recherchée lorsqu’elle est encore envisageable.
Pourquoi une telle lutte contre les espèces exotiques envahissantes ?
Une EEE se définit comme une espèce allochtone importée par l’homme ayant des impacts conséquents sur l’économie, la santé ou la biodiversité et dont la présence dégrade les écosystèmes et menace les espèces indigènes. L’enjeu de la lutte contre les EEE est de préserver la biodiversité locale mais aussi de réduire leurs impacts sur les activités et la santé humaines. Le choix sous-jacent est donc de conserver tant que se peut l’existant et le local au détriment des espèces importées envahissantes.
Celles-ci peuvent être animales, végétales, fongiques, bactériennes ou virucides, et occupent les milieux terrestres, aquatiques ou marins. Tous les écosystèmes sont donc potentiellement concernés par ces espèces et leurs impacts, qui sont aussi diversifiés que les espèces qui les génèrent. Par ailleurs, la lutte contre ces espèces n’est pas une promenade de santé. Leur physiologie et leur comportement leur confère l’aptitude remarquable de s’établir et de se développer dans un environnement étranger dont les conditions climatiques et écosystémiques peuvent être différentes de leur aire d’origine mais surtout de supplanter les espèces locales. Les caractéristiques du milieu - l’absence de prédateurs ou de parasites notamment - peuvent aussi être un facteur favorable à leur développement et propagation.
Quels sont les impacts des espèces exotiques envahissantes ?
Les EEE ont trois types d’impacts différents : écologiques, économiques et sanitaires.
Les impacts écologiques ont trait à de la compétition, à de la prédation, à de l’hybridation ou à la transmission de maladies ou de parasites aux espèces indigènes. L’altération des écosystèmes - la dégradation des berges, l’eutrophisation des plans d’eau - en est un autre.
Les impacts sanitaires sont principalement liés à la transmission de zoonoses, à l’augmentation des allergies ou encore au risque de brûlures liés à certaines plantes bien particulières.
Les impacts économiques, pour finir, sont majoritairement les coûts de gestion de ces espèces et dans une moindre mais non négligeable mesure, les pertes économiques qu’elles génèrent.
Comment ces espèces ont été introduites sur le territoire ?
Les voies d’introduction sont nombreuses et variées et peuvent aussi bien être volontaires qu’accidentelles. Parmi elles, les flux de marchandises, les flux sociaux, l’horticulture ou encore l’aquaculture et la pisciculture. Les relâchers d’animaux de compagnie dans le milieu naturel sont aussi une cause élevée d’introductions d’EEE dans la nature. C’est le cas par exemple, du Tamia de Sibérie et de la Tortue de Floride.
Afin de prévenir l’introduction de nouvelles espèces et la propagation de celles présentes sur le territoire, les réglementations européennes et françaises interdisent l’introduction dans le milieu naturel de plantes et animaux exotiques envahissants ainsi que l’ensemble des usages associés (vente, achat, détention…). Pour d’autres, seule leur introduction dans le milieu naturel est strictement interdite.
En juin 2022, on dénombre 23 espèces animales et 15 espèces végétales exotiques envahissantes réglementées présentes dans les Hauts-de-France. Néanmoins, le nombre d’EEE au total – incluant les espèces non réglementées – est bien plus élevé.
Quelles espèces exotiques envahissantes sont présentes en région ?
Le Ragondin, le Frelon asiatique ou encore le Raton laveur font partie des espèces animales les plus connues mais sont aussi présentes la Perruche à collier, le Tamia de Sibérie, le Rat surmulot et bien d’autres…
Parmi les plantes, on peut citer le Myriophylle du Brésil, l’Arbre à papillons ou la Berce du Caucase.
Toutes ces espèces sont présentées sur le Centre de ressources EEE des Hauts-de-France.
Des actions sont-elles mises en œuvre sur le territoire ?
Depuis 2020, une stratégie régionale relative aux espèces exotiques envahissantes est en cours d’élaboration et devrait être publiée d’ici la fin d’année 2022. Elaborée collectivement, cette stratégie permet de formaliser les enjeux et les besoins régionaux, et de programmer des actions concrètes qui pourront y répondre.
La gestion, la prévention mais aussi la communication, la connaissance et la gouvernance sont des axes de cette stratégie, structurée selon la stratégie nationale relative aux EEE, publiée en 2017.
Parallèlement, de nombreuses actions sont actuellement mises en œuvre sur le territoire.
Picardie Nature et le Groupement ornithologique du Nord et du Pas-de-Calais ont par exemple conçu l’Observatoire des espèces animales exotiques envahissantes des Hauts-de-France, outil de consultation des données de présence de la faune exotique envahissante en région.
FREDON Hauts-de-France coordonne le groupe de travail sur les rongeurs aquatiques envahissants ainsi que depuis 2021, les groupes de travail sur la Berce du Caucase et l’Ambroisie à feuilles d’armoise.
Le Cerema vient, quant à lui, de mettre en ligne une cartographie des interventions de gestion dans les Hauts-de-France.
Ce ne sont que quelques exemples. Il serait impossible de citer toutes les actions portées en région sur la thématique au vu de la diversité des acteurs et de leur dynamisme.
Illustration. Raton laveur ©Canva