Journée internationale de la diversité biologique : la biodiversité dans les terrils !

Publié par Vincent Bêche, le 22 mai 2017   1.8k

Le 22 mai a été décrété comme journée internationale de la diversité biologique. Une thématique fondamentale du CPER-Climibio que nous souhaitons mettre en lumière à cette occasion. Effectivement, les problématiques liées à la sauvegarde des espèces animales et végétales sont primordiales et doivent être questionnées notamment au sein de notre territoire.

Bouleversées par les activités humaines, certaines espèces se voient menacées par la destruction de leur habitat ou la détérioration de leurs conditions de vies (pollution, réchauffement climatique…). Paradoxalement, l’anthropisation croissante depuis le siècle dernier a par ailleurs créé de nouveaux habitats propices à la colonisation par des espèces pionnières, (dans une certaine mesure au cours de l’exploitation industrielle), mais de manière plus forte après son abandon. L’exemple du bassin houiller est flagrant : les activités minières et les activités connexes ont conduit à la mise en place d’habitats secondaires d’origine purement anthropique mais fournissant un ensemble de conditions favorables à la reproduction de certaines espèces. Les modifications apportées par l’homme créent de nouveaux espaces ayant leur propre spécificité, à l’instar des terrils collines artificielles construites via l’accumulation de résidus miniers, héritage des activités minières qui ont participé à l’économie de la région jusque dans les années 90. S’ils sont le résultat d’un façonnage par l’homme, ils représentent des terrains ouverts qu’il importe de préserver. Outre le fait qu’ils soient inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, les sites miniers hébergent également une riche biodiversité dont certaines espèces qui n’étaient quasi pas présentes. C’est le cas du crapaud calamite (Epidalea calamita) et du pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), deux amphibiens qui intéressent particulièrement Leslie Faucher, étudiante en thèse au sein du projet Climibio.

Dans le cadre de sa thèse qui porte sur les thématiques liées à la biologie de la conservation et plus précisément sur la génétique des populations, elle s’intéresse aux caractéristiques de certaines populations de crapauds vivant sur les anciens sites minier en les comparant à celles présentes dans des habitats plus naturels sur le littoral. Son travail se focalise sur les deux espèces d’amphibiens précédemment citées, l’une étant présente sur une grande partie de l’Europe mais historiquement peu présente dans l’intérieur des terres sur la région, l’autre étant beaucoup plus rare sous nos latitudes.

La diversité du monde vivant peut-être exprimée à différentes échelles : au niveau écosystémiques, spécifiques, individuel ou encore au niveau génétique. Afin de préserver le potentiel adaptatif des espèces, il est crucial de préserver un certain niveau de diversité génétique au sein de leurs populations, de façon à éviter les phénomènes de consanguinité par exemple. Les études menées sur les populations nouvellement établies ont cette visée d’investigation des effets de ce nouvel environnement sur les communautés d’espèces, les tailles de populations et les niveaux de diversité génétique, aujourd’hui et dans les générations à venir. Dans le cas du travail concernant le crapaud calamite et le pélodyte ponctué, les premiers travaux ont mis en évidences que les populations de crapauds calamites et de pélodytes ponctués avaient de forts niveaux de diversité génétique au sein du bassin minier. Il est alors intéressant de comprendre quels processus expliquent ces niveaux de diversité génétique, pour, à long terme préserver ce nouvel écosystème, en assurant le maintien d’une bonne dynamique des populations. Une analyse conjointe de la structure génétique des populations et du paysage du bassin minier devra également permettre d’identifier les éléments (cavaliers, routes, haies…) qui facilitent ou au contraire freinent les échanges entre ces populations établies dans des zones très urbanisées. Des plans de gestions du territoire prenant en compte ces nouveaux éléments seront essentiels pour la survie à long terme des populations, en synergie avec les activités de la région. Ainsi, le travail sur la génétique des populations que mène Leslie offre une lecture du parcours d’espèces patrimoniales de la région et décrypte plus précisément les processus ayant aboutis à une telle diversité génétique.

Les terrils nous offrent un bel exemple de reconversion post-industrielle où la préservation d’un patrimoine culturel se concilie à la protection de la biodiversité à deux pas des villes et pour le plus grand plaisir de tous.

Article écrit en collaboration avec Leslie Faucher et Jean-François Arnaud (EEP - Université Lille 1).