JADA : rencontre avec Olivier Parent, prospectiviste, et co-constructeur
Publié par L'Arbre des Connaissances, le 29 mai 2019 1.7k
Dans le cadre des interviews sur la co-construction du nouvel opus JAD Addictions, j’aimerais aujourd’hui vous présenter Olivier Parent. Il participe à la cellule de production en tant que conseiller en écriture et il apporte son expertise sur le scénario et les caractéristiques des différents protagnistes du jeu de rôle. Il a accepté de répondre à quelques questions sur la fiction et le débat :
- Pensez-vous que la fiction peut être un avantage pour amener des jeunes à débattre ? Pourquoi ?
Olivier : Oui bien sûr, un des moyens d’appréhender la réalité c’est de passer par la fiction et de passer par des choses modélisées. La réalité est complexe et la fiction permet de comprendre cette complexité.
C’est ce que fait la Prospective. Dans les thèmes de la Science-Fiction. L’anticipation s’attache à décrire une forme de la réalité future mais qui demeure accessible par la raison. On peut citer ici le film Blade Runner de Ridley Scott tiré du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick. En 1966, l’auteur se posait déjà des questions sur l’environnement et la biodiversité. Il a eu l’intuition de ce qui pourrait se passer 50 ans dans l’avenir (le roman se passe à Los Angeles en 2019), et qui sont bien des préoccupations d’aujourd’hui. Tout le talent de l’auteur de fiction est de sentir les thématiques qui pourraient devenir des enjeux dans le futur. En abordant la question de la biologie de synthèse (des protagonistes de l’histoire sont des humains artificiels), l’auteur se posait la question de savoir si une entreprise pouvait s’approprier un être humain — ou toute autre forme de vie — dont elle aurait conçu le code génétique. Ces questions ne sont devenues réalité que très récemment. Ainsi, en 2019, des bactéries ont-elle été recréées avec un génome entièrement artificiel et compressé. La prochaine étape pourrait concerner des champignons, des poissons… et, à moyen ou long terme, concevoir des humains qui possèderaient un ADN artificiel ? C’est en cela que la fiction est importante, car elle permet de se poser des questions avant d’être confrontés à la réalité des faits.
On est exactement dans cet exercice de pensée avec ce qui se met en place pour les “Jouer à Débattre”. Les jeunes peuvent réfléchir à des situations qui ne sont pas encore réelles, et ainsi imaginer toutes les éventualités et leurs conséquences.
- Pensez-vous que le débat peut intéresser et engager les jeunes ?
Olivier : Engager je ne sais pas, les intéresser sûrement. Être adolescent, c’est chercher la confrontation, l’opposition. Je ne sais pas si un “Jouer à Débattre” va les amener à s’engager, en tout cas le débat peut les amener à se poser des questions auxquelles ils n’auraient peut-être pas pensé naturellement. L’engagement viendra après. L’objectif est de leur faire prendre conscience de la dimension transgressive des thèmes proposés par “Jouer à Débattre”. Ça peut les amener à prendre conscience qu’il y a toujours des conséquences aux actes que l’on pose, bien qu’on ne puisse pas les voir de manière immédiate. Le débat doit ainsi permettre aux adolescents de prendre conscience de cela. On ne peut pas aborder ces questions de manière frontale car on risquerait d’aller à la confrontation. Par le biais de la fiction, on écarte certaines barrières, certaines oppositions.
- Avez-vous des remarques ou des choses à ajouter ?
Olivier : Il y a une situation paradoxale dans la société moderne : on dit à la jeunesse que « la drogue c’est mal » mais, dans le même temps, la drogue est très présente dans le monde de l’art. Beaucoup d’artistes utilisent la drogue dans leurs processus de création, en peinture, dans la musique… Notre société moderne se veut hygiéniste mais admet implicitement l’usage des drogues. A mon sens, on est en pleine schizophrénie.
Lors de notre deuxième séance à Amiens les élèves ont pu travailler autour d’un travail d’écriture sur les personnages.
Ne manquez pas les interviews de Marie Thuet, enseignante et de Sébastien Odasso, game-designer
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